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[Laure et JP]

Ce que vivent les femmes, réalité vs fiction

Dans cet épisode, l'enqueteur se frotte à une héroine que certain connaissent déjà: Clara, l'un des trois personnages du triangle de Laure

Episode 3 : L’héroïne est délurée.

L’homme sonne, et époussette nerveusement les revers de son veston. Il s'est renseigné sur cette jeune femme, il sait qu'il aura forte partie. Mais il ne recule devant rien pour son enquête. Pas facile précisément d’interviewer cette femme sûre d’elle. Avalant difficilement sa salive, il découvre une créature dans la trentaine, visage un peu hâlé, brune, cheveux mi longs tombant sur les épaules. Des yeux verts pétillants, immédiatement inquisiteurs, curieux, conquérants. Pieds chaussés de ravissantes ballerines, vêtue d’une robe longue d’intérieur au décolleté généreux, dans un de ces tissus soyeux qui épouse formes et mouvements, elle est craquante ! Aïe ! Désirable ! pense-t-il, pas la ‘ménagère’ ou la femme ‘en retrait’ qu’il rencontre d’habitude ! Avec le sentiment de descendre dans la fosse aux lions, aux lionnes en l’occurrence, Hercul Poireaux la suit jusqu’à la pièce qui, apparemment, lui sert autant de chambre que de salon. Il n’a pu s’interdire d’essayer de deviner ses fesses à travers ce tissu magique et bruissant… Ni de chercher la trace d’un slip, d’une bordure de culotte, mais rien… String ou vraiment rien ? Emotion…

Clara, c’est son prénom, l’invite à s’installer dans un fauteuil, et l’imite face à lui. En s’asseyant elle croise les jambes, et ô bonheur, sa robe d’intérieur ouverte sur le côté laisse apparaître un mollet, puis un genou, dans un bruissement de tissu. Impressionné, à la dérobée, il la regarde, hésite, et se décide enfin à commencer, la bouche sèche.

- Eh bien, Madame, si vous voulez bien…
- Bien sur. Allez-y, je vous écoute !

Elle a dit ça doucement, d’une voix un peu rocailleuse. Nouvelle émotion…
L’homme sort une feuille pliée et écornée de sa poche, la relit rapidement et la pose devant lui sur ses cuisses. Cachant son trouble, il sourit largement, se forçant à être naturel.

- Est-ce que pour vous la sexualité est importante ?
- Vitale ! Quelle question ! Vous en connaissez beaucoup pour qui ce n’est pas important ?

Ca débute mal ! C’est vrai – il ne l’avait saisi comme ça jusqu’alors – que cette question est idiote. « Importante » ! Ah ! s’il en tenait l’auteur…

- Heu ! Bon… et dans votre vie de couple, qu’est ce qui vous apporte le plus de plaisir
- Le plus de plaisir… Ah ! Peut-être, surprendre l’autre.
- Vous pouvez préciser ?
- Oui, le surprendre, en variant les jeux amoureux ! Vous savez, la routine, ça tue un couple !
- Un exemple, de cette variété ?
- Vous êtes bien curieux !
- Ben, vous comprenez, pour mon questionnaire…
- Bien, disons, par exemple, surprendre en mettant un soir des petits sous-vêtements coquins… vous voyez ? Votre femme, elle fait pas ça ?
- Attendez… c’est moi qui pose les questions !
- Comme vous voudrez… mais elle devrait ! Dommage pour vous !

Hercul, gêné, se tortille dans son fauteuil. Il se concentre en replongeant les yeux sur sa feuille. Reprendre l’initiative, aller jusqu’au bout. Cette femme le domine, ça, ce n’était pas prévu !

- Comment qualifieriez vous votre vie sexuelle ?
- Normale. Je veux dire, pour moi.
- Heu ! Je ne peux pas écrire ça. « Normale » c’est quoi ?
- Ecoutez, je vais être crue, je baise à mon convenance, et même plus !
- Satisfaite, alors ?
- C’est ça ! Ma réponse rentre dans vos cases ?
- Pas tout à fait… le « et même plus », je ne le place pas, vous…
- Bon, on va dire « débridée », j’ai une vie sexuelle débridée. Voilà !
- Ah ! « Débridée », bien, on verra plus tard…

L’homme observe Clara qui de toute évidence s’amuse beaucoup. Il regarde sa montre. A ce train là il n’est pas sorti ! Mais pourquoi ne répond-elle pas plus directement aux questions ?
En soupirant, il reprend :

- Souhaiteriez-vous faire l’amour plus souvent ?
- Je vous ai dit que j’étais satisfaite…
- Mais oui… mais encore une fois, c’est un questionnaire standard ! Alors ?
- Plus souvent ? Pourquoi pas. Oui !
- Voilà, c’est mieux. Et qui, dans votre couple, prendra l’initiative ?
- Moi ! Enfin, lui aussi ! Vous êtes drôle, ça dépend !
- Soyez gentille… c’est « plutôt » vous ou c’est « plutôt » lui ?
- Oh là ! Je ne sais pas ! Bon, notez que c’est moi, qu’on en finisse !
- C’est important. Vous êtes sûre ?
- C’est moi ! Je suis une mangeuse d’hommes ! Ca vous va ?

Hercul commence à transpirer. Il a fallu qu’il tombe sur ce phénomène ! En l’observant, cette femme est vraiment belle. Pas jolie, belle ! Pas que physiquement, bien qu’il devine ici et là des rondeurs, hum ! Mais une beauté intérieure, un rayonnement… Une mangeuse d’homme ! Et avec les questions qui suivent… Troublé il reprend.

- Maintenant des points… plus intimes, si vous permettez.
- Allez-y, je ne suis plus une oie blanche !
- Bien… donc, pratiquez-vous la fellation ?
- Certes oui ! Quand j’aime, j’apprécie même, c’est délicieux !
- Seulement quand vous aimez votre partenaire ?
- Oui, seulement… et s’il y a réciprocité, vous comprenez ?
- Heu, oui. Mais ce n’était pas la question…
- Désolée, mais comment dire… Ah, tant pis pour vous, je suce mon partenaire… enfin, vous voyez, s’il est capable de m’en faire autant ! Normal , non ?
- Excusez-moi, mais on sort du questionnaire. Je note « oui », c’est ça ?
- Alors, oui. Des fois.

Fixant une seconde les lèvres un peu charnues de la jeune femme, il s’imagine… Il en frissonne. Intrigué, il remarque aussi que tout en étant « nature » elle paraît également pudique, retenue dans ses propos. Un drôle de cocktail !
Un silence gêné, elle évite son regard, puis éclate de rire en le fixant au fond des yeux en s’exclamant, espiègle :

- Sur ce point vous ne me demandez pas si… je veux dire, pour la fellation, si elle est totale ou pas, complète…

Hercul, soudain, a chaud, très chaud. En bredouillant, ne sachant plus où se mettre, il murmure :

- « Totale », une fellation « totale », euh…
- Ben oui ! Ne faites pas celui qui ne comprend pas !
- Euh ! Si, je vois… mais je n’ai pas cette question !
- C’est bien dommage ! Parce que moi…
- S’il vous plaît !
- Bon, d’accord, comme ça vous ne saurez pas ! Mais c’est idiot, si ce n’est pas total…

Il se lève à demi, se rassoit en soufflant, échappe une feuille, s’emmêle dans ses papiers étalés sur ses genoux. La jeune femme est hilare, s’étire, secoue ses cheveux.

- On continue ? demande-t-il en s’absorbant dans ses notes
- Excusez-moi, oui, allez-y
- Pratiquez-vous la masturbation ?
- Seule, vous voulez dire ?
- Oui, est-ce qu’il vous arrive de vous masturber ?
- Ca m’est arrivé, plus jeune, comme toutes les femmes, je pense.
- Bon, et maintenant, aujourd’hui ?
- Non ! Plus d’occasion, mais…
- Plus d’occasion ?
- Ben oui ! J’ai toujours quelqu’un sous la main, si je puis dire, donc pas besoin !
- D’accord, mais le referiez-vous volontiers ?
- Oui, sans problème ! Mais à deux, c’est marrant, de temps en temps.
- Excusez-moi, je veux dire maintenant, et seule. Je ne sais pas, par exemple, une envie soudaine sous la douche.
- Vous êtes un coquin, vous !
- Je vous en prie… alors ?
- Euh ! Délicate la question, qu’est-ce que vous aller penser après ce que je viens de vous dire…
- Donc, sous la douche, une envie brusque, l’eau chaude ? C’est un exemple !
- Bon, oui ! Mais rarement , mais oui. Vous allez me faire rougir !
- Détendez-vous, ce n’était qu’une simple question.
- Il n’empêche, ça ne regarde que moi…

Hercul se sent mieux. Enfin il reprend le dessus. Cette dernière question a un peu déstabilisée la belle ! Mais quand même, quelle femme ! Il doit être comblé le mari ! D’un air dégagé il poursuit.

- Et la sodomie ?
- Ah ! ça… Oui, j’ai commencé depuis peu. Inhibée sur la chose, puis j’ai voulu connaître. Pas mal finalement. Quand on y a goûté…
- Je veux dire, pratiquez-vous régulièrement ?
- Oui et non ! Ca fait partie des « surprises » que je réserve, et toujours à mon initiative.
- Donc « oui » ?
- Pour vous faire plaisir alors. On gagnerait du temps à marquer « oui » partout !
- Je ne suis pas responsable des questions, et attendez, il y en a d’autres !
- Compliqué tout ça ! Je suis « débridée », alors…
- On va voir pour la suite.

Les choses semblent maintenant plus équilibrées. L’entretien sur un sujet aussi chaud et scabreux prend une tournure presque banale, comme si on devisait de la météo autour d’un thé et petits gâteaux.

- Vous arrive-t-il de faire l’amour à l’aide d’accessoires ?
- !!
- Vous n’avez pas compris la question ?
- Si.
- Alors ?
- C’est non. Non, parce que je n’en ai pas encore eu l’idée…
- Donc vous l’envisagez ? Je note « oui » ?
- J’ai pas encore fait… Mais c’est sûr, j’essaierai ! Ca ne peut pas être mauvais, et puis comme un jeu, à deux, pourquoi pas ?
- « Oui » alors ?
- Oui ! Vous voyez bien, « oui » partout !

Ils échangent un sourire entendu. Cette fois ils sont complices. Clara décroise ses jambes, les recroise dans un crissement des bas ou des collants. D’ailleurs, bas ou collants ? Alerté, excité, Hercul peut maintenant admirer en plus du genou un début de cuisse pleine. Dieu ! Quel morceau ! pense-t-il l’esprit soudain grivois. Enquêteur on n’en est pas moins homme ! Clara s’en amuse, rassurée quelque part de l’effet produit, et le relance l’œil égrillard :

- Alors, et maintenant ?
- Oui. Une avant dernière, si je n’abuse pas, et cette fois c’est plus « pointu »
- Au point où j’en suis, et vous aussi…
- Donc, des relations lesbiennes ?
- Oui, bien sûr ! Je vous disais…
- Eh ! Comment ça, « bien sûr » ?
- Au risque de vous choquer, je suis « bi » !
- Ah ! « bi » ! Mais…
- Je suis mariée et j’aime les hommes. Bon, ça n’empêche, une belle fille !
- C’est à dire que ce n’est qu’occasionnel ? On pourrait peut-être noter « non », qu’en pensez-vous ?
- Occasionnel ! Pas vraiment. La rencontre est occasionnelle, oui. Mais après je peux avoir une liaison de quelques mois…
- Même actuellement ? Je veux dire, vous avez une vie de couple par ailleurs…
- Oui, et alors ? Il reste du temps, dans la journée, et le samedi…
- Vous faites donc « les deux », en même temps !
- Oui, ça ne me gêne pas. Mais attendez, les relations lesbiennes – ah que je n’aime pas ce mot – ne sont que purement sexuelles ! Pas d’amour là-dedans, juste satisfaire une pulsion. Une fille, ça change, et puis quand je rentre je suis toute excitée ! Et bing ! c’est le mari qui en profite !
- D’accord, d’accord, mais je ne vous en demandais pas autant !
- Peut-être, cher Monsieur, mais vos questions sont réductrices ! Et d’abord sachez que toutes les femmes en ont des pulsions lesbiennes ! Avouées ou pas, elles en ont ! La preuve, des filles, j’en trouve, et je cherche pas longtemps ! Le plus excitant c’est celles qui n’ont jamais fait ! Encore plus cochonnes ! Oh oui !
- Ne vous fâchez pas ! Moi, vous savez…

Clara, à présent, semble irritée. Ses yeux lancent des éclairs. Ce questionnaire… Pour elle, on enfonce des portes ouvertes. Par définition la femme est mystérieuse, inattendue, imprévisible, sinon elle ne serait pas femme ! En plus elle n’aime pas trop parler de sa bisexualité, le souci de presque devoir se justifier. Elle lâche d’un ton presque agressif :

- Bon, c’est tout ? Et avec ça, votre questionnaire machin, vous en faites quoi ?
- Des statistiques, sur le comportement amoureux des femmes.
- Ah ! Des stats ! Je dois être « inclassable », et pourtant…
- Vous êtes un « cas », oui. Je ne sais pas si je vais rendre votre feuille… Vous ne répondez pas directement. C’est « oui » et « non », souvent !
- Incroyable ! Mais ce n’est pas si simple ! Avec les femmes c’est ça. Elles disent « oui » et pensent « non », ou le contraire. La sodomie, par exemple, beaucoup disent « oh non, jamais ça, quelle horreur ! ». Tu parles ! Ou bien elles font et ne l’avoue pas, ou bien elles attendent, secrètement, qu’un homme, un soir, avec beaucoup de tendresse, s’y aventure. Des hypocrites, Monsieur, des hypocrites !
- Mais Madame… je n’y peux rien ! Je fais mon boulot, c’est tout. Aller, une dernière question, une remarque plutôt, vous voulez bien ?

Un silence, Clara reprend son souffle, plonge son regard dans les yeux d’Hercul qui attend, figé, mal à l’aise. Puis elle sourit, ravie d’avoir « mâté » cet imprudent avec ses questions toutes faites. D’une voix radoucie qui le fait frémir elle répond :

- Excusez-moi. Oui, je me calme, mais admettez que vous m’avez énervée…
- J’admets, j’admets… Mais admettez aussi que vous êtes un pur personnage de fiction !
- C’est vrai et faux, ça ! Vous n’avez pas de chance ! La terrible Clara du roman ! Vous savez, dans le « Triangle », Laure et JP m’ont fait un peu «salope », délurée, amazone, que sais-je encore ? Et « ils » sont mes amis ! Bravo ! Hein ? A qui se fier ?
- Quand même, c’est vous, oui ou non ?
- Ah ! Encore ! Et bien c’est oui et non ! La « vraie » Clara n’est pas loin… Vous savez, avec les femmes, on croit toujours les connaître… En tous cas, celui qui arrivera à les « coder » dans un questionnaire n’est pas né !
- Mais attendez… la question…
- Soyons clair ! Un personnage de « fiction » ? Je préfèrerais « virtuel », et même un « modèle virtuel » !
- Heu… je ne vois pas !
- Bien sûr ! Vous êtes un homme ! La vérité c’est que je représente ce que beaucoup de femmes – pour ne pas dire toutes – rêvent d’être. Et puis ce que la plupart des hommes espèrent posséder. Non ? Vous, par exemple, dites le contraire pour voir !
- Heu ! C’est à dire que je…
- Vous voyez bien !
- Je suis épuisé… On m’avait prévenu, mais là…

Clara s’est levée, le dominant, les yeux pétillants, le temps pour lui d’entrevoir par le bâillement du décolleté, la naissance d’un sein, quelques millimètres de la dentelle d’un soutien-gorge. Elle l’observe, alors qu’il semble se cramponner à ses feuilles, le stylo en suspens. Eclatant de rire, elle poursuit, décidée à l’achever, à porter l’estocade :

- Ecoutez, vous me faites de la peine… Je vais vous aider. Le comportement sexuel des femmes, c’est simple : si elles sont vraiment amoureuses elles sont capables de TOUT faire… question de partenaire, d’occasion, de préparation, d’ambiance. Vous notez ?
- Heu, non ! J’ai pas ça, juste une liste, je vous disais…
- Et pourtant ! Tout est là ! Nous sommes des romantiques, n’oubliez jamais ça ! Et en partant de ça, volontiers un peu « cochonnes » ! Tout est dans la manière ! Tenez, écoutez donc des femmes parler entre elles, et vous verrez ! C’est édifiant !

Hercul s’est fait tout petit au fond du fauteuil. En tant qu’homme il reçoit une leçon magistrale ! Il pense, réalise, qu’avec sa propre femme, il pourrait… Ah ! Si seulement cette Clara avait raison ! Oser, oui oser, mais préparer, mettre en condition. Mais compliqué ça… Il faudrait presque qu’elle lui explique…
A son tour il s’est levé, s’épongeant le front. L’entretien est terminé. « Déjà ! » regrette-t-il en pliant son questionnaire qui brusquement lui paraît bien superficiel.
Clara se passe les mains dans les cheveux, s’ébroue, dégageant ainsi un peu de son parfum, et le raccompagne à la porte.

- Heureuse de vous avoir rencontré, Hercul, c’est bien ça, non ? Revenez quand vous voudrez ! Et bonne chance ! Vous voyez ce que veux dire ?

L'enquêteur une fois seul, la porte refermée, s'essuie une fois de plus le front. Puis, un sourire béat sur les lèvres, repart en sifflotant enveloppé des odeurs de cette amazone. Tout de même, quel numéro ! Et quelle leçon !



Laure et JP

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