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Ce que vivent les femmes, réalité vs fiction


Episode 2 – l'île Hélène, à aborder

Nous sommes toujours à la terrasse d'un café, le temps est clément – un peu de vent.
Je l'attends depuis dix minutes environ lorsqu'elle m'apostrophe:

- Monsieur Poireaux ?

Je me lève d'un bond, elle m'a surpris en arrivant par l'autre coté.

- Je suis Hélène.
- Ravi de faire votre connaissance

Elle arbore sa quarantaine avec bonheur, elle semble sûre d'elle. Cheveux noirs mi-longs, bien nappés, à toucher les épaules, maquillage transparent et discret, seuls le sourire ironique et le regard trahissent la femme qui a déjà fait le tour d'un certain nombre de choses... que je vais m'efforcer de découvrir.

Suivent quelques banalités, puis je commence à dérouler mon questionnaire:

- Vous avez accepté de répondre à quelques questions sur votre sexualité...
- Oui...
- Et bien allons-y, si vous le voulez bien. Faites-vous l'amour souvent ?
- Vous voulez dire... à deux ? Ou bien voulez-vous savoir avec quelle fréquence je m'envoie en l'air ?

Elle ne paraît pas embarrassée, elle pivote sur sa chaise pour croiser ses jambes à l'inverse.

- C'est très variable. Comme vous le savez, je suis divorcée depuis
des années, et je n'ai pas fini de savourer mon indépendance.
Je subviens assez confortablement à mes besoins matériels, je ne m'ennuie pas, toute seule ; j'ai même une grande fille, qui vit en couple et qui me rend visite assez souvent.
Quand j'en ai envie, je pars en chasse à l'homme.
- Ah ! Bien ! Vous me décrieriez une partie de chasse type ?
- Si vous voulez. J'aime bien chasser à l'Opéra ; je préfère des hommes un peu cultivés, ou, si vous préférez, les bourrins m'empêchent de prendre mon pied à fond.
J'ai observé que c'est au spectacle, théâtre, opérette ou opéra, que j'ai les meilleures chances de faire une rencontre bénéfique.

Le garçon nous interrompt et repart avec la commande.

- Ensuite, c'est une occasion de me mettre en valeur, mieux que je
ne pourrais le faire pour aller au cinéma – très décevant, le cinéma – ou dans les bars et cafés, que je préfère éviter ; je ne tiens pas à être prise pour une "professionnelle" ...
- Je comprends.
- Mais si l'envie m'en prend soudainement, je me fais belle et sort me promener, tout simplement ; il m'arrive alors de passer un bon moment avec des jeunes gens .
- Vous n'êtes pas craintive ?
- Il faut savoir les jauger, et ne jamais les amener chez moi ; ne pas avoir de chéquier, ni de carte bleue, une centaine d'euros tout au plus. Pas de clés, non plus, ni papiers, c'est un risque à courir... Je ne suis encore jamais tombée sur un voyou. Il m'est arrivé aussi de revenir chez moi bredouille !

J'ouvre grands les yeux :

- Chasse à l'homme infructueuse ? Ca me semble difficile de l'imaginer !
- Merci. Vous êtes gentil, et bien élevé ! Ca devient rare...
- Donc vous êtes revenue chez vous seule et insatisfaite ; que se passe-t-il alors ?

Elle éclate de rire :

- Et bien vous l'imaginez, je suppose !
- Certes ! Mais je vous rappelle que vous avez promis de répondre explicitement.

En rosissant un peu, mais à peine :

- Et bien je me fais plaisir toute seule, que voulez-vous !...
- Avec des "sex-toys"...
- Oh, avec toutes sortes de choses ! Oui, je pourrais vous en parler pendant des heures ; je possède une belle panoplie de simulacres, électriques ou non, mais j'adore me procurer des joies simples, avec des choses naturelles, fruits et légumes par exemple.

Et dans un grand éclat de rire, avec des joues qui ont encore un peu plus de couleur:

- Je suis un peu écolo, dans ma sexualité.
- Ah ! La courgette... le concombre, peut-être ?
- Non voyons, c'est un peu simpliste, tout ça ! Si je ne craignais pas de vous effaroucher...
- Chère Hélène, ce n'est pas ma première interview pour Plaisir sans Frontières, je pense sincèrement que vous pouvez vous livrer sans retenue, j'ai déjà entendu en confession un grand nombre de femmes, et un grand nombre de secrets...

Elle baisse la voix:

- Comme vous voulez. Bien moi, ce qui me fait le mieux grimper aux rideaux, c'est certaines choses...comment dire...entre les fesses, voyez ?
- Je vois très bien...un petit godemiché...
- Mais non, je vous l'ai dit , du naturel d'abord !
- Oui, alors quoi ?
- Si j'en ai, une banane encore verte, enfin pas trop...
- Hou ! Ca n'est pas trop douloureux ?
- Epluchée, bien sûr ! C'est pour cela qu'il faut pouvoir en disposer avant qu'elle soit vraiment à maturité, car alors elle glisse bien, c'est vrai, mais elle est cassante, donc frustrante. On n'a pas forcément tout un régime à la maison !
- Bon. Je vous imagine donc...
- Non ! Vous ne pouvez imaginer cela. Je me suis photographiée, une fois, les jambes en l'air, la banane à moitié épluchée plantée où vous savez, mes doigts complétant mon excitation, le déclencheur automatique a fait son travail. Et bien cette photo, quand il m'arrive de la revoir, elle me fait des choses, elle me met dans un état incroyable...

Elle décroise ses jambes, se rassoit au fond du siège et tire machinalement sur sa jupe, laquelle est bien incapable de couvrir ses genoux ronds, heureusement pour moi.

- Très bien. Revenons, si vous le voulez bien, à votre chasse à l'homme. Sans trop entrer dans le détail, quand votre conquête et vous-même êtes "en lice", qu'aimez-vous faire ?
- Me laisser faire, bien sûr ; d'abord c'est une règle d'or : nous devons donner l'impression à ces messieurs que nous sommes là pour leur bon plaisir ; s'il est de bonne éducation, il fera semblant de vouloir mon plaisir à moi, mais c'est seulement une politesse...
- Vous lui proposez une gâterie ?
- Non ; pour plusieurs raisons ; d'abord, je ne comprends pas qu'on puisse y trouver de l'agrément : c'est un fantasme masculin, extrêmement égocentrique, d'ailleurs ; tout se passe comme si avaler leur semence était se nourrir de nectar ; ensuite, n'oubliez pas que ce monsieur, je ne le connais que depuis une heure ou deux, je n'ai encore aucune idée exacte de son goût pour l'hygiène...

Le garçon est de retour avec nos consommations ; heureusement, nous n'étions pas trop assoiffés. J'attends qu'il ait disparu.

- La sodomie ?
- C'est selon ; en principe, pas la première fois. Mon opinion est qu'il s'agit là d'une pratique délicate, qui peut être sublime si elle est bien conduite, mais elle ne peut s'improviser...
- Vous pouvez m'en dire plus ?
- Non !
- Les relations avec les autres femmes ?

Son sourire se fait gouailleur:

- Vous voulez parler de se gouiner ?
- Oui.

Son regard s'est évadé, sa voix s'est faite rêveuse:

- Et bien je dois avouer qu'il m'est arrivé d'avoir eu des rapports très tendres avec une autre femme, mais c'était dans un contexte particulier, la relation physique n'était pas au centre, même si nous nous sommes caressées, il me semble que c'était plus une façon de souligner notre attirance que de nous conduire au septième ciel. Et ça ne m'est arrivé qu'une seule fois.
- Et à votre amie ?
- Je ne sais pas, je l'ai perdue de vue.
- Et bien il ne me reste plus qu'à vous remercier d'avoir accepté cette interview, et d'avoir répondu aussi honnêtement à mes questions; et pour appuyer ma gratitude, ce petit présent...
- Hmhmhm, marquise de Sévigné, des pralines, oh comment avez-vous deviné ?
- J'ai un don de double vue pour ces choses-là !
- Ca s'arrête aux pralines ?
- Non, avez-vous quelque chose de prévu pour ce soir ?
- Eh bien, mais devinez , Monsieur Poireaux!

Son sourire épanoui me laisse penser que le coup ne va pas être très difficile à jouer. Etre un personnage de fiction à parfois ses avantages…


Voir Claude Nougaro, album Embarquement Immédiat Janvier 2000
L'île Hélène magnifique chanson, hymne d'amour, hymne à l'amour.

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